L’engagement dans des pratiques anorexiques a longtemps été pour moi mon principal mécanisme de défense mais a aussi fini par m’enfermer dans une forme de prison de rigidité : j’avais un emploi du temps minuté sans aucun vide, je travaillais constamment, je comptais toutes les calories que j’avalais.
Ma sortie de l’anorexie a pris des années et s’est faite de manière progressive et par pallier.
Parmi les éléments qui m’ont le plus aidé figurent :
- la découverte de la sociologie qui m’a permis d’avoir moins honte en prenant de la distance avec les normes sociales (si j’apporte à manger quand je suis invitée à dîner chez des ami.es, je transgresse une norme sociale mais cela ne fait pas de moi un monstre)
- les encouragements de mon conjoint à « retourner le stigmate » en informant sans gêne mes interlocuteurs interlocutrices dès que nécessaire de mon trouble du comportement alimentaire
- ma psychologue qui m’a permis d’identifier, d’accepter et de traiter mes traumatismes
- le yoga grâce auquel je me suis réappropriée mon corps.
Grâce à la sociologie et à mon conjoint, je suis d’abord sortie de ma carapace et j’ai ainsi pu éviter de m’isoler (par peur des jugements, paralysée par la honte). Pendant plusieurs années, j'ai vécu dans une forme d’ascétisme alimentaire et temporel mais en ayabt abandonné l’ascétisme émotionnel. Grâce à ma psychologue et au yoga, j’ai ensuite lentement repris possession de mon corps.
Ces expériences de vie font que je suis désormais convaincue de :
- La puissance thérapeutique de la parole. En disant ce dont j'ai honte, la honte diminue drastiquement
- La puissance thérapeutique du partage d’intimité. Parce que le partage d'intimité permet de se défaire de la honte que certains de ses comportements ou pensées suscitent, et parce qu’il favorise l’empathie et constitue un rempart contre la violence symbolique des jugements
- La puissance thérapeutique de la sociologie et de la psychologie
- Le rôle du corps
Ce passage par l’anorexie m’a aussi amenée à me mettre en retrait du monde, en position d’observatrice pendant très longtemps. Les seules manières que j’avais d’être au contact du réel c’était par l’écoute des autres, par la lecture de sociologie et de psychologie et par ma consommation de produits culturels (romans, films, pièces de théâtre...) représentant le réel.
En conséquence logique, je développe la sociothérapie parce que celle-ci combine écoute, empathie, dévoilement de vulnérabilités et se nourrit aussi bien de connaissances sociologiques et psychologiques que de produits culturels.
L’expérience de l’emprise amoureuse est probablement à l’origine de mon intérêt inépuisable pour les relations amoureuses et sexuelles. Elle a en partie déterminé mon sujet de thèse et ma spécialisation clinique dans le domaine.
Cette expérience a été extrêmement douloureuse et difficile à surmonter mais, aujourd’hui, j’ai accepté que cette relation fait partie de ma vie et qu’elle est même constitutive de ma manière d’être au monde et de qui je suis.
Inspirée de mon propre parcours, la sociothérapie a entre autres pour objectif de transformer vos expériences de violences quelle que soit leur nature (violences physiques, sexuelles, morales, psychologiques, humiliation, mépris…) en expériences de création.
Lorsqu’une expérience violente est vécue, il y a trois solutions pour gérer la violence :
- L’intérioriser et la retourner contre soi : autodévalorisation ; pratiques d’autodestruction via des pratiques de scarification, des comportements addictifs (troubles du comportement alimentaire, troubles d’usage de l’alcool, de stupéfiants, pratiques à risque) ; dépression…
- La rejeter en exerçant de la violence sur les autres : violence physique, pratiques de gaslighting, dénigrement, mépris, insultes…
- La sublimer en faisant de cette violence la source de motivation ou d’inspiration de pratiques intellectuelles, artistiques, sportives.