Le mec que je vois ne veut pas s’engager

Mon copain ne veut pas s’engager…

 

 

Le problème de départ : mon copain ne veut pas s'engager

 

Une problématique à laquelle les femmes hétérosexuelles que j’ai pu rencontrer sont fréquemment confrontées est celle de la discordance entre leur propre envie de former une relation de couple avec leur partenaire et le désir de non-engagement de celui-ci : « mon copain ne veut pas s’engager ». Cette configuration touche surtout les femmes des nouvelles générations, qui sont âgées de moins de 35 ans.

La dynamique est souvent la même. Il existe bien évidemment des nuances. Le schéma que je décris ci-dessous est celui qui revient le plus souvent.

 

La situation

 

La patiente rencontre un homme sur une application de rencontres, à une soirée entre ami.es, dans le cadre de ses études, d’une activité de loisir ou sur son lieu de travail. Après un ou quelques dates (mais assez rapidement), elle a un rapport sexuel avec cet homme. Une relation commence. Cette relation n’est pas qualifiée et les partenaires évitent de discuter de ce qu’elle et il souhaitent, ou bien expriment la volonté de « ne pas se prendre la tête ». L’idée est de s’engager dans une « relation chill » qui n’exige pas d’être « exlusifs ou exclusives». Au départ, la relation est donc essentiellement centrée sur la sexualité. Elle est supposée ne pas s’accompagner de sentiments amoureux et n’être accompagnée d’aucune projection dans le futur. La relation continue parce que les deux prévoient de nouveaux rendez-vous. Mais il n’y a aucune certitude quant à la pérennité de cette relation. Celle-ci pourrait a priori s’arrêter demain sans qu’aucune annonce de rupture ne soit nécessaire.

Au fil du temps, la relation s’intensifie en fréquence et de nouvelles activités sont partagées. Au-delà des rapports sexuels, les partenaires en viennent également à partager, selon les cas et leurs intérêts, des discussions lors desquelles elle et il dévoilent une part de leur intimité, des dîners, des soirées dans des bars, des séances bricolage, des footing, des sorties au cinéma, au théâtre, au musée… Parallèlement, les conversations par message deviennent très fréquentes, parfois même quotidiennes, si bien que les partenaires prennent l’habitude d’échanger sur leur journée, leurs tracas, leurs activités. Au cours de cette phase, les partenaires prennent garde de ne surtout pas parler de leur relation et de ne pas manifester de sentiments. L’enjeu est même plutôt d’être celui ou celle qui « s’en fout le plus » (et de le montrer à l’autre, mais aussi à ses ami.es et à soi-même).

Après quelques temps (quelques mois la plupart du temps, mais parfois quelques semaines ou plus rarement une année), la patiente commence à mal vivre la relation. Elle dit être jalouse des potentielles autres filles avec lesquelles le partenaire couche. Cependant, elle veut continuer à avoir l’air « cool » et non paraître « chiante » ou « rabat-joie ». Surtout, elle craint que son partenaire préfère mettre un terme à la relation plutôt que de voir une fille qui souhaite un engagement émotionnel de sa part. La patiente tente dans certains cas de rencontrer d’autres hommes pour se convaincre qu’elle n’est pas attachée. L’angoisse résultant de l’incertitude – elle n’a aucune visibilité sur l’avenir de la relation – s’amplifie. La patiente en conclut qu’elle est « amoureuse ». Après avoir discuté avec ses copines, elle estime que la situation n’est pas soutenable et prend la décision de parler avec ce partenaire.

Selon les cas, l’objectif peut être soit d’obtenir du partenaire une relation sexuellement exclusive soit une relation de couple. La patiente prend son courage à deux mains et annonce à son partenaire qu’elle a des sentiments pour lui, qu’elle est jalouse des autres filles et que leur relation actuelle ne lui convient plus. Deux configurations existent. Soit l’homme en question dit ne pas avoir de sentiment ; soit il dit « avoir des sentiments » (plutôt qu’être « amoureux » car cela paraît moins fort et, en conséquence, moins engageant) mais ne pas « être prêt » ou « ne pas vouloir se poser ». Il dit souhaiter que la relation se poursuive telle qu’elle est actuellement ou bien arrêter. La patiente accepte parfois de poursuivre dans un premier temps mais rapidement, se sent très mal et finit par y mettre un terme.

Il n’est pas rare que le partenaire tente de conserver la relation (en envoyant des messages du type « tu me manques », en proposant des activités pour se voir). Lorsque la patiente refuse, il arrive que le partenaire se mette en colère en lui reprochant « d’avoir tout gâché », « de créer des hauts et des bas », de « faire des drama ». Il arrive aussi qu’il dise se sentir très mal depuis que la relation s’est arrêtée. Bien souvent expression de la colère et du mal-être coexistent.

Cette situation exacerbe couramment les émotions négatives des patientes. Elles pensent parfois être en partie responsables et se disent « je suis control freak », « je suis trop insecure, j’ai des problèmes d’estime de moi », « je suis trop possessive » et s’engouffrent dans des spirales d’autodévalorisation. Dans d’autres cas (ou bien simultanément), elles éprouvent une immense tristesse et ont des crises de larme répétées face à ce partenaire qui semble souhaiter entretenir un lien avec elles mais qui n’en sont pas capables et abandonnent.

 

mon copain ne veut pas s'engager

 

Dans ce cas quelques éléments à garder en tête

 

  • L’amour n’est pas souvent défini
    Le constat
    Les patientes estiment souvent être amoureuses parce qu’elles sont angoissées que la relation ne perdure pas dans le temps ou parce qu’elles ont l’impression d’être jalouses des autres filles.

    Mes conseils
    Dans un premier temps, définir ce que l’on a envie de considérer comme de l’amour. On peut considérer que l’on est amoureux ou amoureuse d’une personne si on éprouve pour elle de la tendresse, de l’admiration, du désir, si on se sent à ses côtés en sécurité, de l’enthousiasme, si on s’amuse…C’est à vous de choisir mais si vous considérez que pour être amoureux ou amoureuse, il faut être jaloux ou jalouse et angoissé.e, cela laisse présager une vie émotionnellement éprouvante…
    Dans un second temps, se demander si effectivement c’est ce que l’on ressent pour ce partenaire ou bien si on ressent essentiellement de l’angoisse et de la jalousie mais pas nécessairement l’ensemble des autres émotions que l’on juge être constitutives de l’amour.

    Petit insight
    Ce petit exercice est intéressant car parfois les patientes se rendent compte a posteriori que leur désir d’être en couple avec le partenaire résultait essentiellement de la volonté de mettre un terme à leur angoisse générée par l’incertitude. Elles s’aperçoivent qu’en réalité elles s’ennuient avec cet homme voire le méprisent. Dans ce cas, la meilleure solution n’est sans doute pas de s’efforcer de construire une relation sérieuse/conjugale mais de réfléchir aux raisons qui font qu’une rupture serait très douloureuse (souvent en repensant à la nature des relations d’attachement qui ont été importantes dans notre vie).

  • Les représentations contemporaines laissent souvent penser qu’avoir des sentiments amoureux c’est être vulnérable
    Une fausse croyance

    L’idée selon laquelle le sentiment amoureux va de pair avec une forme de vulnérabilité procède du raisonnement suivant :
    Si on est amoureux ou amoureuse, on veut être avec la personne donc on est dépendant.e d’elle et on perd le contrôle de sa propre vie (à la fois parce qu’on agit en fonction d’elle et parce qu’on ressent des émotions en fonction de ses actions).

    L’origine de cette fausse croyance

    Cette chaîne de causalité s’enclenche souvent parce qu’on a vécu, dans notre petite enfance, des relations avec nos principales figures d’attachement insécurisantes ce qui nous conduit à confondre amour et besoin.

    De fait, quand on est petit.e les deux vont souvent de pair. Par exemple : on aime ses parents mais surtout on a besoin de ses parents pour survivre (pour se nourrir, pour se déplacer, pour être soigné.e…). On est dépendant.e. Si nos parents sont instables et que l’on ne peut pas avoir confiance, notre vie n’est plus sous contrôle – car ce sont, à cette époque, ces principales figures d’attachement qui sont supposées en avoir la maîtrise.

    Cependant, au cours de l’adolescence ou à l’âge adulte c’est très différent ! Si on est amoureux ou amoureuse on veut être avec la personne certes. Dans une certaine mesure on agit donc en fonction d’elle (en organisant son emploi du temps de façon à la voir par exemple). De la même manière que l’on agit en fonction de nos ami.es (si mon meilleur ami n’est disponible que lundi, je décide d’aller au cinéma mardi pour pouvoir le voir), en fonction de notre travail, de contraintes médicales, logistiques etc. L’organisation de notre vie dépend toujours de nombreuses variables externes.

    C’est plus angoissant quand on est amoureux ou amoureuse du fait des représentations qui associent davantage l’amour que l’amitié aux relations de pouvoir et car la volonté de voir la personne est plus forte. On est spontanément prêt.e à faire plus d’efforts pour faire concorder notre emploi du temps au sien. C’est une préférence, pas un besoin. Vous préférez voir votre amoureux amoureuse mais si vous ne le ou la voyez pas vous n’allez pas vous effondrer. Contrairement à ce qui se passait avec vos principales figures d’attachement dans votre enfance, vous n’êtes pas en danger. Vous pouvez vous sentir en danger mais le danger appartient en fait au passé. Il est réactivé par la situation. Mais ça se résout sans problème en thérapie.

    Si on est amoureux ou amoureuse, les actions de la personne concernée peut effectivement nous affecter. Si elle nous quitte par exemple, on sera triste. Ce qui angoisse c’est la peur de ne pas gérer cette émotion. On se dit : « Je vais être débordé.e pjr la tristesse, je vais m’engouffrer dans la dépression, je vais péter un plomb et finir à l’hôpital psychiatrique ». Là encore cette crainte découle des expériences passées. Petit.e, vous avez sans doute vécu des émotions fortes (de tristesse, de colère, de peur…) et personne ne vous a aidé à traiter cette émotion. Il a fallu l’enfouir pour survivre. Heureusement, il existe une série d’outils pour gérer ses émotions (des outils cognitifs pour comprendre, ordonner ; des outils corporels pour évacuer l’affect ; des outils relationnels pour se sentir soutenu.e, accompagné.e).

  • Les représentations contemporaines laissent souvent penser qu’avoir des sentiments amoureux non réciproques c’est être dominé.e.
    Une fausse croyance

    Les patientes sont honteuses de leurs sentiments et s’efforcent de les atténuer, de les cacher. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles elles préfèrent rester dans le flou quand bien même elles espèrent une évolution de la relation. Pourtant, une fois encore, cette idée est fausse. Ce n’est pas être amoureux ou amoureuse qui conduit à être dominé.e mais plutôt le fait d’être amoureux ou amoureuse, d’en avoir honte et de tout accepter dans l’espoir que l’autre nous aime en retour, seule manière apparente de sortir la honte.

    Une interprétation alternative

    Être amoureux ou amoureuse, indépendamment de ce que l’autre ressent pour vous, devrait pourtant être une source de fierté. Être amoureux ou amoureuse témoigne de votre capacité à connecter avec les autres, de votre capacité à apprécier quelqu’un qui n’est pas vous. Être amoureux/se montre que vous n’êtes pas renfermé.e sur vous-mêmes, que vous êtes du côté de la vie.

    Il n’y a rien besoin de faire en plus. Au contraire. Si vous n’en avez pas honte, être amoureux amoureuse peut même être une source de pouvoir (attention il ne s’agit pas de dominer l’autre pour le détruire). Simplement vous n’avez rien à faire pour compenser le fait d’être amoureux amoureuse. C’est une qualité, pas un défaut. Alors exprimez-le. Si ce n’est pas réciproque, c’est dommage mais ce n’est pas dramatique. Vous allez être triste de ne pas passer autant de moments avec cette personne que vous l’auriez souhaité. Mais c’est tout. Et ne vous inquiétez-pas, les techniques pour gérer la tristesse sont aussi très souvent l’occasion de faire de belles rencontres (avec des personnes mais aussi des activités) et de resserrer des liens d’amitié, au sein de la famille (les discussions entre copines post-ruptures, les partages d’expériences etc.).


    copain ne veut pas s'engager

     

Comment expliquer le refus d'engagement de ces partenaires ?

 

Les facteurs explicatifs peuvent tout à fait se combiner.

  • Le rapport aux émotions

Ce qui amène les patientes à exprimer le désir de s’engager dans une relation exclusive/sérieuse/conjugale c’est la prise de conscience de leurs sentiments pour le partenaire et l’anticipation que, si la relation s’arrête, elles éprouveront de la tristesse.

Or, les interactions auxquelles les hommes ont assisté ou pris part au cours de leur vie ont tendance à moins les habituer à repérer leurs émotions – et donc encore moins à anticiper leurs émotions futures. Ils ne se posent pas la question de savoir ce qu’ils vont ressentir si telle situation se produit (cette dynamique se retrouve également au sein des couples déjà formés lorsque le partenaire annonce déménager dans une autre ville/un autre pays pour son travail sans penser que la relation longue distance est susceptible de générer des souffrances).

Aussi, quand leur partenaire leur annonce avoir des sentiments, leur première réaction est de dire qu’eux non (car, en tant qu’hommes, ils ne s’attachent pas). Il n’est ainsi pas rare que quelques jours après avoir dit ne pas être amoureux, à la suite de la fin de la relation, les partenaires contactent les patientes pour leur faire part de leur incompréhension : ils ont passé des journées horribles et se demandent pourquoi, envisageant alors avoir possiblement des sentiments.

  • Les attentes sociales associées à chaque âge de la vie

Les jeunes hommes – globalement âgés de moins de 25 ans – sont nombreux à ne pas n’envisager les relations de couple durables parmi leur champ des possibles. Ils entament la relation en décidant que leur partenaire ne sera pas une personne importante de leur vie. Aussi, ils ne cherchent pas vraiment à la connaître ou disent peu de choses d’eux. Autrement dit, ils mettent une série de barrière les conduisant effectivement à ne pas être attaché.e (l’attachement impliquant un dévoilement minimum de soi et un accès au moins partiel à l’intériorité de l’autre).

  • L’angoisse liée à la peur de l’engagement

La peur de l’engagement est une expression galvaudée qui mérite toutefois d’être prise au sérieux. De nombreuses personnes ont effectivement peur au sens où elles se sentent en danger lorsqu’elles imaginent créer un lien affectif durable et intense avec quelqu’un.

Cette peur résulte de relations vécues par le passé vécues comme traumatiques : relation d’emprise au sein de la famille, relations incluant des violences physiques, morales ou sexuelles, disparition définitive ou ponctuelle d’un être cher inexpliquée autour de laquelle existe un tabou (suicide, maladie provoquée par la consommation d’alcool, de tabac, overdose, hospitalisation pour troubles de la santé mentale etc.). Que la personne ait vécue une atteinte à son intégrité physique ou psychique ou bien qu’elle ait l’impression d’avoir été abandonné.e, l’effet peut-être similaire. Tout sentiment de proximité génère un état de panique.

Ce phénomène est à l’origine de nombreuses situations amoureuses génératrices de souffrances. Car les personnes ayant peur du partage d’intimité en ont dans le même temps terriblement besoin. Ce qui les amène à adopter des comportements paradoxaux, produisant une confusion angoissante pour le ou la partenaire. Elles alternent en effet entre une impulsion de proximité (des paroles : « tu me manques », « je pense à toi tout le temps » ; des envois de messages pour maintenir le lien) et une impulsion de rejet (des paroles parfois méchantes, un air froid, distant, un ghosting momentané). Ce sont les relations chaud-froid.

Ce phénomène est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes (bien qu’il existe évidemment). On peut faire l’hypothèse que, au départ, autant de filles que de garçons sont concernées par cette angoisse.

Cependant, comme, dans les représentations, la création de relations profondes et durables (amoureuses mais aussi amicales) est une condition sine qua non du bonheur pour les femmes mais moins pour les hommes, les premières problématisent cette angoisse (« j’ai un gros problème », « quelque chose ne tourne pas rond chez moi, je dois courir en thérapie ») tandis que les seconds la normalisent (« je préfère être seul », « je suis solitaire », « j’aime dépendre de personne »), y compris dans les cas où cette angoisse génère des comportements à risque (addictions, recherche de sensations extrêmes etc.).

Par ailleurs, comme les femmes ont, du fait de leur éducation et des interactions auxquelles elles prennent part, davantage l’habitude de parler d’elles et de leurs difficultés, elles s’engagent plus fréquemment dans des démarches actives visant à résoudre ce qu’elles voient comme un problème.

Le refus d’engagement de votre partenaire ne dit rien de vous, de votre désirabilité ou de votre valeur

 

Cette phrase est un poncif. Mais on le dit souvent en pensant « si ton partenaire n’apprécie pas tes manières d’être, d’agir et de penser, cela signifie juste que ce n’est pas un bon match mais d’autres partenaires t’apprécieront juste pour qui tu es (on ne peut pas plaire à tout le monde) ».

Ce discours est souvent peu efficace. Les patientes entendent mais se sentent toujours aussi mal.

La persistance de ce mal-être s’explique :
On ne peut pas plaire à tout le monde de même que tout le monde ne nous plaît pas. Toutefois, il est assez paradoxal de converser quotidiennement, de voir fréquemment et de partager tant de moments/d’activités avec quelqu’un qui nous est indifférent.e. Il y a là une contradiction.

Le refus d’engagement de votre partenaire ne dit rien de vous, de votre désirabilité ou de votre valeur surtout parce que ce refus n’est pas lié à vous, à vos manières d’être, d’agir et de penser. Il est lié à lui, ses projets de vie, ses envies, ses peurs, ses blocages.

Chacun.e a ses propres limites et il faut les respecter (de même que chacun.e doit respecter les vôtres). Le choix de s’engager un jour dans une relation exclusive/sérieuse/conjugale lui appartient.

Mais c’est pour cette raison qu’il est nécessaire d’expliciter ce que l’on souhaite dès le début afin d’éviter les situations d’incertitude (l’un des principaux moteurs de l’angoisse). Il n’est pas nécessairement aisé de le savoir.

En cela, une (socio)thérapie peut être utile : que ce soit pour être au clair avec ses propres besoins et envies ou pour dépasser des blocages si on n’agit pas conformément à ce que l’on souhaite mais par contrainte du fait de traumatismes non résolus se traduisant par des émotions d’angoisse, d’apathie etc.

 

Si vous êtes dans cette situation et que vous en souffrez, n’hésitez pas à prendre rendez-vous pour trouver des solutions et retrouver un peu de sérénité.